
Il est bon que les artistes n’oublientpas qu’au bout de la jambe il y a le pied, autrement formulé, que d’autres lesont précédés tout au long des siècles ou plus récemment, en phase ou non avecle réel, sinon avec leur imaginaire. Parisienne depuis une vingtaine d’années,son diplôme obtenu à l’Institut des Beaux-Arts de Pékin, Jia Juanli a choisi deprocéder par anamnèse, afin de libérer sa mémoire des images d’un passé tropprégnant. C’est donc dans l’incarnation de certains mythes culturels etsociologiques ancrés dans la mémoire collective chinoise, transformés ensuitepar les effets de sa palette minutieuse et de son potentiel métaphorique, quese tient le socle de sa grammaire visuelle et affective.

Une grammaire sémantique qui sembleeffacer la réalité pour lui conférer une autre dimension, plus introspective, àtravers les vestiges d’un monde ancien, restitué par un langage pariétalinfiniment nuancé, proche de la fresque. Et ce monde patiemment réexhumé etélaboré, qui véhicule une tournure insolite, si l’on se réfère à notreaujourd’hui, est celui des cours impériales des grandes dynasties chinoises,dont les fastes recréés par Jia Juanli, réverbèrent des atmosphères feutrées,teintées d’un charme exquis, de nostalgie et de sagesse. Dorures, paravents,tentures, rideaux, couloirs mystérieux, jardinets arborés, plantes hautperchées, bouquets, décors agrestes, végétation diffuse, enfants joueurs,chaises éparses entourant un guéridon, personnages féminins en quête d’elles-mêmessous une lumière étranglée… tout nous renvoie à un univers ouaté, au silence età la sécurité des espaces et des vies calfeutrés.

Dans ces périmètres cloîtrés, la société considérée n’est pascelle du commun et du tapage, de la promiscuité et des ivresses artificielles,mais celle du tact, des manières raffinées et des existences retranchées. On yrecense, par conséquent, des silhouettes de femmes graciles, presque furtives,qui n’offrent généralement de leur enveloppe charnelle que la ligne de leurdos, l’esquisse de leur profil, et l’éclat étudié de leur parure, mais aucunappel érotique déclaré.

Car au fil de cette galerie de figuresqui portent au rêve, tant leur comportement chevauche l’énigme, c’est,répétons-le, l’univers féminin qui mobilise l’artiste, en adéquation avec latradition et le contexte historique, au cœur des vastes palais, des harems, desoiseaux et des fleurs, des arbres et des jardins. Pourtant Juanli le démontreavec la même élégance policée, elle aime également réaliser des portraits defemmes frontaux. L’une est accoudée nonchalamment à une table, le visage lissebarré d’un demi-sourire, l’autre héberge un oiselet sur son doigt dans une poseapprêtée, une autre, plus loin, déambule au sein d’un parterre fleuri à côté d’unevoisine chassant les papillons, une autre encore paraît égarée dans une brumeaquatique, non loin d’un groupe près d’un lac, et d’une jeune fille flanquéed’ailes de libellule, quand un chaud soleil estival vient auréoler quelquespromeneuses qui profitent des plaisirs de la nature…

Toutefois, au-delà du calme ambiant,quelque chose de grave se dégage de cette iconographie qui se souvient, entémoignant de l’esprit d’une époque. Bien entendu, le sujet n’est pas anodin,puisqu’il est l’axe autour duquel se développent et s’organisent les signes desa perception. Mais, si le référent puise ses sources dans un temps révolu,pour jumeler ces accords veloutés, ces coloris en grisaille ou en légersdégradés, la technique, elle, repose d’abord sur l’huile et s’avère trèscontemporaine, dans la distribution des ombres et des lumières, la justerespiration des zones lacunaires, et dans l’agencement d’autant de texturestrès travaillées, en camaïeu, qui rappellent, tel que l’énonçait Elie Faure,que la matière est tout l’esprit de la peinture. Et ceci, sans rechercherl’émotion, qui vient à son moment, « le choc est instantané, souventimprévu », selon Bonnard.

Ici, le geste est précis, volubile sansexcès, retenu et contrasté, libre de ses retraits et de ses rapprochements. Latouche est souple et rigoureuse dans ses errances contrôlées, pondérée aussi,dans l’amalgame des couches et des sous-couches de la trame, et s’autorise mêmede petites audaces, avec l’usage du couteau et le dosage des pigments, qui,avec le tranchant d’un trait stabilisateur et une aptitude à la synthèse desformes, créent les conditions de la suggestion plus que de la narration.

Après avoir été très expressive à sesdébuts, Jia Juanli a opté pour le renoncement dans la synthèse, et trouvé savoie en tissant son chemin intérieur, à la rencontre de son théâtre imaginaire.Fine coloriste, dominatrice d’un répertoire d’images très personnelles, ellen’est d’aucune Ecole. Son œuvre rare et délicate a du rythme et de la présence.

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